mardi 1 janvier 2008

Eclairage sur la désignation présidentielle au Liban


L’histoire des élections présidentielles libanaises :

Le 23 octobre 2007, le parlement libanais devrait se réunir pour élire un nouveau président de la république pour succéder au président sortant Emile Lahoud dont le mandat se termine le 23 novembre 2007. L’histoire des élections présidentielles au Liban montre une certaine instabilité dans le processus de la continuité constitutionnelle :

En septembre 1958, une mini-guerre civile s’est éclatée entre le président sortant Camille Chamoun et l’opposition qui a accusé le président d’avoir mené une politique pro-occidentale. La crise s’est soldée par l’élection du chef de l’état major Fouad Chehab. Plus tard, en 1982, le président sortant Elias Sarkis, après plusieurs tractations nationales, régionales et internationales, à laissé sa place à Bachir Gemayel qui a été assassiné quelques jours après son élection, il a été remplacé par son frère Amine Gemayel.

En 1989, le pays à été divisé entre deux gouvernements dont un militaire formé à la suite d’un vide constitutionnel laissé par le président sortant Amine Gemayel. La crise s’est terminée par un accord interlibanais dans la ville de Taëf en Arabie Saoudite qui a permis au parlement de choisir René Mouawad comme nouveau président de la république. Le président élu a été assassiné le jour de la fête nationale le 22 novembre et a été remplacé par Elias Hraoui.

Enfin, le président Hraoui a été succédé par le chef de l’armée Emile Lahoud à la suite d’un amendement constitutionnel. Son mandat a été prorogé en 2004 pour trois ans en dépit d’une crise politique, dont la principale conséquence était l’assassinat en février 2005 de l’ancien premier ministre Rafic Hariri.

La constitution libanaise : Un président élu par le parlement

Le Liban est une république parlementaire dont les règles de fonctionnement sont développées dans une constitution qui a été construite sur la base de la constitution de la troisième république française. Plusieurs articles constitutionnels traitent les modalités de la désignation du président de la république, on distingue :

Article 49 : Le Président de la République est élu, au premier tour, au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages par la Chambre des députés. Aux tours de scrutins suivants, la majorité absolue suffit. La durée de la magistrature du Président est de six ans.

Article 51 : Le Président de la République promulgue les lois dans les délais fixés par la Constitution après leur approbation par la Chambre des députés, et en demande la publication. Il ne peut les modifier ni dispenser de se conformer à leurs dispositions.

Article 73 : Un mois au moins et deux mois au plus avant l'expiration des pouvoirs du Président de la République, la Chambre se réunit sur la convocation de son Président pour l'élection du nouveau Président. A défaut de convocation cette réunion aura lieu de plein droit le dixième jour avant le terme de la magistrature présidentielle.
Article 74 : En cas de vacance de la présidence par décès, démission ou pour toute autre cause, l'Assemblée se réunit immédiatement et de plein droit pour élire un nouveau Président. Si au moment où se produit la vacance la Chambre se trouve dissoute, les collèges électoraux sont convoqués sans retard, et aussitôt les élections faites, la Chambre se réunit de plein droit.
Article 75 : La Chambre réunie pour élire le Président de la République constitue un collège électoral et non une assemblée délibérante. Elle doit procéder uniquement, sans délai ni débat, à l'élection du Chef de l'Etat.
Article 76 : La Constitution peut être révisée sur l'initiative du Président de la République. Dans ce cas, le Gouvernement saisira l'Assemblée d'un projet de loi constitutionnelle,
Article 77 : La Constitution peut également être révisée sur l'initiative de la Chambre des députés. Cette révision a lieu de la façon suivante:
La Chambre des députés peut, au cours d'une session ordinaire et sur la proposition de dix de ses membres au moins, émettre, à la majorité des deux tiers des membres qui la composent légalement, une proposition de révision de la constitution. Les articles et les questions visés dans la proposition doivent être clairement précisés et énumérés. Le Président de la Chambre transmet la proposition au Gouvernement en lui demandant d'établir un projet de loi constitutionnelle.
Article 78 : La Chambre saisie d'un projet de loi constitutionnelle, ne doit, jusqu'au vote définitif, s'occuper que de la révision. Elle ne peut délibérer et voter que sur les articles et questions limitativement énumérés et précisés au projet qui lui a été transmis.
Article 79 : La Chambre des députés saisie d'un projet de loi constitutionnelle ne peut valablement délibérer et procéder au vote à son sujet que lorsqu'une majorité des deux tiers des membres qui la composent légalement se trouve réunie et le vote doit intervenir à la même majorité.

Législatives 2005 : Résultats et rapports de force

Les élections législatives qui ont eu lieu en avril-mai 2005 ont déroulé sur la base de la loi parlementaire 2000. Pourtant, avant l’assassinat du Premier Ministre Hariri, une nouvelle loi électorale était à l’étude, reprenant les dispositions de la loi électorale de 1960 qui divise le pays en 26 circonscriptions correspondant aux cazas. Cette réforme a été abandonnée à la suite de la crise politique quia secoué le pays, et c’est la loi de 2000 qui a été retenue.

Le découpage de cette loi était fondé sur le dessin de circonscriptions confessionnelles mixtes. Elle divise le pays en 14 circonscriptions : 3 à Beyrouth, 4 à mont Liban, trois dans la Bekaa, deux dans le nord du pays et deux dans le sud. L’une de spécifités de cette loi était que chaque électeur était invité à élire les députés de toutes confessions confondues de sa circonscription.

Malgré un découpage qui en 2000 était favorable aux opposants de Hariri, le mouvement du 14 mars qui regroupait les formations hostiles à la Syrie a emporté les élections grâce au soutien du principal parti dit loyaliste, le Hezbollah. En effet, le parti de dieu avait une politique relativement ambiguë pendant ces élections : dans la première circonscription du mont Liban(Le Metn) il a soutenu les candidats du courant patriotique libre du Général Aoun, tandis que dans la deuxième circonscription du mont Liban (Baabda) et dans la capitale il a développé une alliance avec le PSP de Walid Joumblatt et le Courant de Futur de Saad Hariri. Le résultat de ces élections était la formation d’une nouvelle majorité menée par Saad Hariri qui devient le chef de la majorité parlementaire.


Rapport actuel des forces :

La situation en 2007 à radicalement changé, la stratégie ambiguë du Hezbollah a radicalement changé et a été remplacé par une entente avec le Courant Patriotique Libre de Michel Aoun, cette entente a montré sa cohérence pendant la guerre de juillet 2006 durant laquelle le parti de dieu a été soutenu par le CPL ce qui lui a permis d’asseoir sa légitimité sur le plan national.

La coalition du 14 mars a été affaiblie, le mouvement qui avait lors de sa création un objectif commun, celui de dénoncer la présence syrienne, a été confronté au paradoxe de son hétérogénéité et la faiblesse des hommes politiques issu du block de Kernet Chahwan. La défaite de Amine Gemayel lors des législatives partielles étant la preuve de cette faiblesse.

Enfin, l’apparition du mouvement Fath –al-islam nous éclaire sur la décomposition de la communauté sunnite. L’apparition des mouvements salafistes dans le pays montre une division de la communauté et son affaiblissement dans l’absence d’une personne fédératrice.
Des divergences commencent à être observée entre le Courant de Futur et l’Union Tripolitaine de Mohammed Al-Safadi qui, si elle se confirme pourrait changer radicalement les alliances dans le pays.

Les principaux acteurs :

Saad Hariri : Chef de la majorité parlementaire, il est à la tête du courant du Futur, le principal parti de la majorité. Sa principale occupation était, depuis 2005, la mise en place du tribunal à caractère international afin de juger les assassins de son père qui était victime d’un attentat en février 2005. Son discours est caractérisé par une hostilité à l’encontre de la Syrie qu’il accuse d’être à l’origine de l’instabilité politique. Depuis Septembre2007, il est mandaté par le mouvement du 14 mars afin de trouver un compromis sur l’élection présidentielle.

Walid Joumblatt : Président du parti socialiste progressiste, et chef incontesté de la communauté druze, il est considéré comme l’un des principaux acteurs de la scène politique libanaise. Depuis l’assassinat de Rafic Hariri, il a joué un rôle important dans la coalition du 14 mars prônant un discours d’hostilité à l’égard de la Syrie qu’il accuse d’ingérence dans les affaires libanaises. Il a exprimé clairement sa préférence pour un président issu de la majorité parlementaire et réclame sans cesse le désarmement du Hezbollah.

Hassan Nasrallah : le chef du Hezbollah est devenu la personne clé dans le paysage politique libanais. Il a réussi l’intégration du parti de dieu dans le jeu politique libanais en privilégiant des alliances qui préservent les acquis du parti notamment en ce qui concerne sa résistance face à Israël et le maintien de son arsenal militaire. Depuis la crise gouvernementale de novembre 2006, il réclame un partage de pouvoir et un rééquilibrage des relations avec la Syrie en dénonçant le projet américain dans la région.

Nabih Berry : Président du parlement et chef du mouvement Amal, il a réussi par son pragmatisme de maintenir une certaine importance malgré l’hégémonie croissante du Hezbollah. A l’approche des élections présidentielles, il est devenu le principal acteur politique en raison de sa fonction comme président du parlement, son objectif étant de maintenir le système politique actuel tout en gardant une bonne relation avec les acteurs régionaux.

Michel Aoun : Président du courant patriotique libre, il s’est imposé sur la scène chrétienne en évinçant les formations traditionnelles. Son entente avec le Hezbollah lui a permis développer un discours nationaliste qui attire la nouvelle génération. Candidat de longue date à la présidentielle libanaise, il est contesté par la majorité et risque de perdre son avantage d’être élu dans le cas d’un consensus entre la majorité et l’opposition.
Patriarche Sfeir : Chef religieux de la communauté maronite, il a joué un rôle de rassembleur de la communauté chrétienne de plus en plus divisée. Mais ce rôle ne lui donne pas un pouvoir absolu, sa principale marge de manœuvre étant de donner son accord sur un président.


Les principaux partis:
Le courant du Futur : Principal parti de la majorité, il représente la majorité de la communauté sunnite au Liban. Hostile à la Syrie depuis 2005, il est l’un des acteurs du mouvement de 14 mars.
Le parti Socialiste progressiste : Présidé par Walid Joumblatt, il est formé principalement par des membres de la communauté druze, il est considéré comme un acteur majeur de l’alliance du 14 mars, et réclame l’élection d’un président issu de la majorité.
Le Hezbollah : Il est considéré comme le principal parti de l’opposition, organisé autour d’une idéologie religieuse, depuis 2005, il développe un discours nationaliste en tissant des alliances avec d’autres groupes comme le mouvement du Général Aoun.
Le mouvement Amal : Il est considéré comme l’aile laïque de la communauté chiite, présidé par Nabih Berry, le président du parlement libanais, il représente avec le Hezbollah la majorité absolue de la communauté chiite.
Le courant patriotique libre : Présidé par Michel Aoun, il a pu s’imposer sur la scène politique en remplaçant les formations chrétiennes traditionnelles, son entente avec le Hezbollah, lui permet de développer un discours nationaliste cohérent.
Les forces libanaises : Affaibli dans les années 90, il a émergé sur la scène chrétienne grâce à la libération de son chef Samir Gaagaa qui a intégré les forces du 14 mars et qui a fait du parti le principal opposant a son rival de toujours Michel Aoun.
Le Tachnaq : Principal parti de la communauté arménienne, il profite d’une assise importante dans le Mont Liban grâce à son alliance de longue date avec Michel El-Murr, depuis 2005 il soutient le Général Aoun et il est favorable à son éléction à la présidence de la république.


Scénarios :

Les réunions Hariri-Berri sur la présidentielle la semaine dernière ont montré un certain consensus sur la personne de Michel Sleimane, le chef d'état-major de l'armée. Dans le cas où ce scénario ne se produit pas, on peut envisager plusieurs hypothèses :

- Eléction de Nassib Lahoud par la majorité parlementaire sans concertation avec l’opposition, ce qui conduit le pays au scénario de 1989 avec deux gouvernement, un dirigé par Siniora et un autre soit par un militaire en concertation entre Lahoud et Aoun ou un gouvernement dirigé par Mohammed Al-Safadi qui rejoint l’opposition.

- Le deuxième scénario est lié à un événement régional, celui d’une frappe américaine sur l’Iran et entraine une tension dans le sud du Liban qui provoque un scénario à l’irakienne et une désintégration du pays.

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