mardi 25 décembre 2007

L’Union méditerranéenne : nouvelle politique arabe ?

Dans son discours présidentiel du 16 mai 2007, le président français Nicolas Sarkozy a consacré une grande partie à la politique étrangère, pourtant absente de la campagne présidentielle. Deux volets ont été cités : la relation avec les Etats-Unis et la création d’une Union méditerranéenne sur la base du traité de Rome constituant l’Union européenne.

Cette initiative qui comporte la création d’une banque méditerranéenne d’investissement, la tenue de sommets périodiques et d’un Conseil de la Méditerranée a été reçue favorablement tant par les pays du sud de la Méditerranée que par les pays européens concernés comme la Grèce et le Portugal. Côté Commission européenne, on redoute une concurrence avec la politique européenne de voisinage (PEV), héritage d’un processus de Barcelone au point mort en raison du conflit israélo-palestinien.

Or, la politique méditerranéenne de l’Europe, a été souvent le domaine presque exclusif de la France en raison des relations historiques de la France avec ses colonies au Maghreb et les pays sous son mandat au Moyen-Orient. Cette politique connue sous le nom de « politique arabe de la France » a été affaiblie au début des années 1990 en raison de l’engagement de l’Union européenne dans un processus de coopération avec les pays du sud de la Méditerranée et d’une certaine hégémonie américaine dans la région.

En 1995, le processus de Barcelone a été créé dans le dessein de rapprocher les deux rives de la Méditerranée en utilisant comme critère de rapprochement l’économie, mais dix ans après le processus, on observe des baisses des échanges commerciaux et des politiques de subventions qui empêchent une concurrence équitable.

En effet, l’évaluation du programme EUROMED par les journalistes, lobbyistes et universitaires est sceptique. Les principales critiques du Partenariat EUROMED (PEM) portent sur le fait que la libéralisation économique encadrée a peu aidé les pays du sud dont les PIB atteignent à peine 18 % de ceux des Etats de l’Union européenne.

L’organisation des Amis de la Terre au Moyen-Orient (FoEME) met elle l’accent sur l’importance de l’agriculture, qui n’est pas régie dans ces pays par les mêmes accords commerciaux que ceux présidant à l’échange de biens manufacturés. La plupart des produits agricoles en provenance de la zone méditerranéenne, lorsqu’ils sont moins chers que les produits de l’UE, sont sujets aux restrictions de la PAC. Les barrières tarifaires des fruits et légumes varient selon les produits et les saisons, avec un prix plus élevé imposé durant les périodes où les importations communautaires sont susceptibles d’entrer en compétition avec les produits locaux.

Mais le Partenariat n’a pas simplement échoué dans le volet agricole de ses objectifs économiques. En matière de commerce et d’investissements étrangers directs (IDE), le processus de Barcelone n’a eu que peu de conséquences. Entre 1995 et 2003, la part globale de l’UE dans les importations et exportations en direction de ses partenaires méditerranéens a chuté.

Ces statistiques conduisent à une autre critique du processus de Barcelone, émise cette fois par les dirigeants des pays du sud eux-mêmes. Ceux-ci ont l’impression que l’Union européenne a laissé les pays du PEM sur le bas-côté afin de consacrer tous leurs efforts à l’élargissement vers l’est. Une remarque qui se justifie à beaucoup d’égards : l’UE a ainsi consacré une grande majorité de son aide technique et financière à aider ses futurs Etats membres. En 2003, Bruxelles attribuait environ 545 € par citoyen à chaque pays entrant alors qu’elle ne donnait que 14 € à ceux de la zone EUROMED.

Côté français, on observe le même constat d’échec de ce qu’on appelle « la politique arabe de la France ». Le blocage du processus de paix israélo- palestinien, les divergences stratégiques franco-américaines sur la guerre d’Irak et la crise politique libanaise sont autant d’exemples d’une politique étrangère française bloquée et qui, avec l’assassinat du Premier Ministre libanais Hariri, a pris une tournure à caractère personnel privilégiant le choix d’une isolation de la Syrie pourtant acteur majeur de la région.

Est-ce qu’on peut considérer l’Union méditerranéenne comme un retour au realpolitik de la politique étrangère française ? La complexité des relations internationales et les nouveaux défis mondiaux notamment au Moyen-Orient nécessitent une nouvelle approche de la gestion des dossiers internationaux. L’action du nouveau gouvernement au Liban, dans le Darfour ou la relation avec la Syrie montrent une certaine continuité avec l’ère chiraquienne. L’affaire des infirmières bulgares confirme une certaine continuité plutôt qu’une rupture dans la politique étrangère française.

Mais cette continuité risque bien d’être rompue, le président Sarkozy sera confronté dès la rentrée à plusieurs dossiers dans cette région, et son action sera suivie et décryptée dans tous les centres du pouvoir régionaux et internationaux :

Ø Les élections présidentielles libanaises : les tractations interlibanaises ont bien commencé, et l’on parle déjà d’un consensus autour de la personne du chef d’état-major de l’armée libanaise. Le rôle de la France, qui a déjà accueilli une conférence libanaise en juillet, doit être de consolider un consensus en privilégiant un traitement égal des deux coalitions protagonistes de la scène libanaise. Le dialogue officieux avec la Syrie est déjà engagé, on peut s’attendre à un renforcement de dialogue sans pour autant envisager une normalisation de la relation franco-syrienne.

Ø Un autre dossier, auquel la situation libanaise est indirectement liée, est le dossier complexe du nucléaire iranien. C’est le principal dossier sur lequel M. Sarkozy sera attendu sur sa politique étrangère. La France doit faire en sorte de ramener l’Iran à la raison : l’affaiblissement du président Bush et les difficultés économiques de l’Iran aidant à une solution du compromis, qui pourrait déboucher sur une relative stabilisation de l’Irak. Le renforcement du rôle de l’ONU en Irak est un signe avant-coureur d’un tel changement.

Ø Le dossier israélo-palestinien reste la question épineuse qui est loin d’être résolue. Les difficultés du gouvernement Olmert et de la présidence palestinienne ne facilitent pas la tâche d’une stabilisation. Mais on peut envisager une conférence multilatérale qui peut apaiser les tensions et préparer le terrain pour un retour au dialogue.

Ø Du côté maghrébin et africain, la problématique est différente : il s’agit de deux questions majeures : la lutte contre le terrorisme et la question de l’immigration. C’est là que le projet de l’Union méditerranéenne prend son importance ; les récents voyages du président français ont montré une réaction positive de ces pays qui, on doit le dire, restent réticents sur quelques points notamment sur le projet de l’immigration choisie.

Ø La présidence française ne doit pas non plus oublier la question du Darfour, et la nécessité de résoudre un conflit du moins dans son volet humanitaire.

Les dossiers cités ci-dessus sont au cœur du projet de l’Union méditerranéenne et par conséquent doivent être traités en concertation avec les partenaires de la France. La présidence française de l’Union européenne en janvier 2008 est une occasion parfaite à saisir pour concrétiser un projet vital pour l’Europe et son environnement.

L’expérience avortée du processus de Barcelone a montré les limites d’une coopération économique sans concertation politique, pour cela le président Sarkozy doit être encouragé par ses partenaires européens et arabes à concrétiser son projet, car au final, l’Union méditerranéenne n’est ni une « politique arabe de la France », ni une politique méditerranéenne de l’Europe, c’est une nouvelle approche de coopération entre deux blocs dans un monde globalisé.

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