samedi 22 décembre 2007

Le général Aoun, les maronites et la République Libanaise

La mise en scène de la défaite de l’ancien président de la république libanaise, Amine Gemayel, par le quasi inconnu candidat du courant patriotique libre (CPL) du Général Michel Aoun, quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, était bien préparée et montre bien l’enjeu d’une élection partielle qui déterminera la suite des événements, c’est-à-dire les élections présidentielles de septembre. L’analyse de ces élections qui ont opposé le CPL et ses alliés de l’opposition à la coalition du 14 mars montre un changement structurel des systèmes d’alliances et du poids de chaque acteur sur la scène libanaise.

Tout d’abord, le tsunami Aoun de 2005 (selon l’expression du chef druze Walid Joumblatt) a quasiment disparu; les Chrétiens maronites ont majoritairement voté à la hauteur de 60% pour le candidat Gemayel, détrônant par là, le général de sa position de représentant exclusif des Chrétiens, comme il l'a souvent proclamé: les élections de 2005, lui facilitant cette hypothèse démentie par les urnes un certain dimanche d’août 2007.

Cette réalité des chiffres n’a pas échappé à la coalition du 14 mars qui compte bien en profiter, surtout que les erreurs du CPL et de l’opposition ne sont pas mineures. Le contexte régional et international, dont le Liban est toujours dépendant, favorise une redistribution des cartes qui peuvent bénéficier à l’un ou l’autre camp des acteurs en place.

Mais cette analyse ne doit pas faire oublier que le CPL a bien gagné cette élection et compte bien investir cette légitimité dans son prochain combat qu’est la course à Baabda. Or, il ne faut pas oublier la fracture inter-chrétienne engendrée par cette élection, dont l’origine remonte à l’époque de la tutelle syrienne. Depuis la mort de l’ancien Premier Ministre Rafic Hariri, on assiste à une reconfiguration des alliances inimaginables il y a une décennie: je parle bien de l’alliance Forces Libanaise-PSP- Courant de Futur et de l’entente CPL-Hezbollah et leur alliance avec les forces prosyriennes. Cette reconfiguration n’a pas fait enter le pays dans un système post-confessionnel, mais peut être, elle a retardé pour ne pas dire arrêter un conflit confessionnel.

Mais les élections du dimanche dernier ont révélé un nième facteur du système confessionnel, et les accusations de Gemayel à l’encontre de la communauté arménienne, et que certains ont qualifié de raciste, montre bien l’importance de cette communauté dans cette élection. En effet, la communauté arménienne avait souvent un poids important dans cette région, et ils avaient aussi un certain poids dans les circonscriptions de Beyrouth, un poids qui a été perdu au profit de la popularité de l’ancien Premier ministre Hariri et sa stratégie de découpage électoral de la capitale. Le revirement de l’électorat arménien au profit du CPL doit se comprendre par la politique du parti Tachnaq, qui a choisi de préserver, non sans regret, ses acquis dans le Metn, après avoir perdu tout pouvoir dans la capitale.

De son côté, le Général Aoun, n’est pas sorti idem de cette confrontation. Bien au contraire: son candidat, loin d’être le représentant exclusif des maronites (60% des maronites ont voté pour Gemayel), a été élu par les voix des Arméniens et des orthodoxes. Cette victoire, dans une logique de républicanisme intégrationniste est une bonne chose, mais on est encore loin de ce Liban déconfessionnalisé, le prétendant à l’investiture suprême doit toujours sa légitimité à une représentation exclusive des maronites ce qui n’est pas le cas du Général Aoun.

Les maronites n’en veulent pas au général pour son alliance avec le Hezbollah, bien au contraire, ils pensent que cette alliance a évité au pays une guerre civile; par contre ils lui demandent de:

* Ne pas signer un chèque en blanc au Hezbollah et œuvrer pour un consensus sur la question présidentielle
* Être réaliste sur la puissance stratégique, politique et militaire de ses adversaires et ne pas se lancer dans une aventure qui creuse la fracture libanaise et inter-chrétienne
* Être l’intermédiaire entre le Hezbollah et ses opposants musulmans, pour préserver l’intégrité de l’état et échapper à un scénario à l’irakienne
* Empêcher la transformation du pays en terrain de confrontations entre puissances régionales et internationales.

Il n’est pas sûr que le Général soit convaincu de cette analyse, mais, dans ce cas, il ouvre le pays à des possibilités de déstabilisation dont la date n’est pas très lointaine pour ne pas dire assez proche.

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