Fin mai 2005, deux pays de la zone euro rejetaient le traité constitutionnel européen par voie référendaire. L’une des raisons majeures de ce rejet est très certainement la situation économique de la zone euro, une analyse approfondie du système économique et par conséquent des pistes de réformes s’imposent aujourd’hui d’autant que la BCE est critiquée par plusieurs pays notamment la France.
L’introduction de l’euro, le principal produit de la banque centrale européenne est de loin l’une des réussites les plus marquantes de l’entreprise européenne. Mais cette réussite financière cache des problèmes d’ordre économique et idéologique. La zone euro n’arrive pas a décoller sa croissance qui reste en dessous de la moyenne mondiale, et le taux de chômage reste très haut menaçant la stabilité sociale du continent, à tout cela s’ajoute le débat sur l’identité européenne entre les post-nationaux favorables à un Etat fédéral considérant l’Etat nation trop petit dans un système mondial dominé par la logique des blocs et les nationaux souverainistes attachés à l’Etat nation comme la forme légitime de la garantie des libertés du citoyen.
La question économique étant de plus en plus présente dans les débats, la BCE et les institutions économiques de l’Europe doivent se réformer pour répondre aux attentes des citoyens de l’Union et pour assurer une stabilité sociale et politique de l’Europe. Plusieurs pistes de réformes peuvent être évoquées :
Développer un lien idéologique entre la BCE et les Etats nations
La révolution industrielle en Europe a contribué à l’émergence de puissances qui ont dominé le monde et qui par la suite ont adopté un projet d’intégration économique régionale. L’intégration a été faite dans le respect de la liberté de chaque peuple de se disposer de ses propres moyens pour développer une activité économique qui a été gérée par une politique économique et monétaire basée sur une institution qui pilote les divers actions économiques, qui est la banque centrale nationale. Cette banque centrale correspond à une identité politique qui reflète le choix d’un gouvernement censé appliquer les choix de sa population qu’elle a élu démocratiquement.
En développant le lien entre la nation et sa banque centrale, on peut considérer la BCE avec son fonctionnement indépendant un exemple flagrant du déficit démocratique, principale raison de l’échec de la Constitution européenne.
Ce déficit démocratique est lié au statut d’indépendance de la BCE qui n’a aucun compte à rendre, pas même devant le Parlement européen ; l’exercice de comparaison avec la FED, contrôlée par le Congrès, nous permet de penser à des reformes alternatives qui passent par une construction politique de l’Union européenne.
Dépasser l’objectif de la maîtrise d’inflation
Le rôle de la BCE est de gérer la monnaie européenne, d’assurer la stabilité des prix avec une hausse limitée de façon arbitraire à 2 %. Au lieu de favoriser des grands projets économiques, la BCE privilégie un capitalisme du type financier, la priorité étant accordée à la lutte contre l’inflation. L’action rigoureuse de lutte contre l’inflation de la BCE est légitime, mais dans la réalité des faits l’inflation de la zone euro dépasse le taux de 2 % qui atteint dans certains pays 3,4 % à cause des différences structurelles. Pour cette raison, il faut une refonte complète de la politique monétaire basée sur une coordination étroite entre la BCE et les acteurs politiques et économiques.
La question de l’indépendance de la BCE
L’indépendance de la BCE est liée à la construction européenne et plus particulièrement au couple franco-allemand qui a permis cette construction. La spéculation sur les monnaies européennes est alors telle qu’elle empêche toute politique monétaire cohérente et efficace. En 1988, la monnaie la plus forte était le mark allemand, qui était la principale variable d’ajustement monétaire. La création de l’euro était une double concession franco-allemande, les Allemands abandonnent leur monnaie nationale contre une concession française qui est l’indépendance de la BCE. Aujourd’hui, force est de constater que l’euro a rempli son rôle : il est une monnaie stable, forte et présente dans toutes les banques centrales du monde.
Le principal problème est qu’il n’a pas face à lui une gouvernance économique coordonnée de la zone euro. Cette gouvernance est en formation au sein de ce qu’on appelle l’Eurogroupe qui réunit les ministères de Finance de la zone euro. L’une des dispositions qui peuvent contribuer à l’émergence de cette gouvernance est inscrite dans le traité simplifié qui donne à l’Eurogroupe le droit de disposer d’un président stable et fort qui peut faire un contrepoids à la BCE dans l’élaboration des politiques monétaires et économiques de la zone euro.
Intégrer de nouveaux critères dans la politique monétaire
Une intégration de nouveaux indices dans la politique monétaire s’avère nécessaire surtout que le critère unique de stabilité des prix même s’il a apporté une maîtrise de l’inflation n’a pas donné à l’Europe une croissance tant recherchée capable de relancer l’activité économique et résoudre le problème du chômage. D’abord, la politique monétaire, l’un de ses rôles essentiels est de maintenir, à moyen terme, une inflation faible. Mais elle a un deuxième rôle, celui de stabiliser la demande et l’activité. Ensuite, la politique budgétaire, une politique budgétaire cyclique plus agressive - des déficits plus larges en récession et des surplus plus larges en expansion - serait probablement plus efficace. A l’heure actuelle, elle n’est ni discutée ni même étudiée. Il est également temps de s’y mettre et de réfléchir aux meilleurs instruments fiscaux pour l’accomplir.
Enfin, la BCE doit se démocratiser en renforçant son objectif de transparence et en menant une politique de coordination avec les autres acteurs économiques sur la base d’une concertation avec le Parlement européen (principale institution en terme de légitimité) et qui est le seul capable de mener une réforme juste et équitable qui fait émerger l’Union comme un acteur politique et économique mondial.
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